Les acheteurs ont le vilain défaut d’être casaniers, laissant complaisamment les vendeurs venir à eux. Depuis quelques années, et singulièrement ces derniers mois, la dématérialisation à marche forcée des discussions commerciales a encore accentué ce mauvais penchant : voyager semble devenu superflu voire obsolète à l’acheteur 3.0. Vraiment ?
Il y a certes un avantage majeur aux échanges par écrans interposés : immédiats et focalisés, ils laissent moins de prise aux sentiments. N’est-il pas plus facile de dire “non” derrière son clavier que les yeux dans les yeux ? Pour l’acheteur, dont c’est le métier, tant mieux !
Il faut également reconnaître que les échanges factuels et ciblés sont facilités et fiabilisés par la digitalisation. Mais il s’agit précisément de la partie de notre métier vouée à disparaître. Demain, pour plus d’efficacité, elle sera toujours plus automatisée à grand renfort d’intelligence artificielle. Que restera-t-il alors à l’acheteur ?
Il y a près d’un siècle le fondateur d’Alsthom Auguste Detœuf préconisait : “Si une discussion est entamée par correspondance, la question doit être réglée du premier coup. Si elle ne l’est pas, prenez le train, vous y gagnerez”.
Ce n’est effectivement pas nouveau. La distance et la désynchronisation complexifient les problèmes en biaisant notre perception. Nous savons bien que ces fenêtres fugaces sur le monde ne sont pas la réalité. Du coup, nous oscillons entre excès d’optimisme et suspicion paranoïaque. Il manque un ingrédient incontournable : la confiance.
Confiance désincarnée ?
Pour pouvoir se fier à l’autre, on ne peut faire l’économie de se rencontrer physiquement. Le miroir grossissant des derniers mois nous l’aura rappelé : c’est un besoin animal de combiner nos cinq sens pour sentir. C’est sagesse humaine que de confirmer la raison de l’analyse par l’intuition du cœur. Le sixième sens ne s’aiguise pas derrière un bureau !
Par facilité, par paresse ou pour économiser les frais et le temps du voyage, on est tenté de jouer cette rencontre à domicile. Convoquez un commercial, il accourt ! Voyez comme ils piaffent de reprendre la route… Mais c’est faire un cadeau énorme au vendeur de le laisser venir chez moi m’observer dans mon élément, et renforcer l’asymétrie d’information à son avantage. Au contraire, c’est sur son terrain que l’on dénichera les pépites qui feront la différence.
Il est urgent de sortir du bocal !