Stratégie achat : quel paradis espérer pour échapper à l’enfer ?

“S’il vous plaît… dessine-moi un mouton !” Comme cette demande enfantine du Petit Prince, les attentes les plus simples sont parfois bien difficiles à cerner.

En matière de stratégie, s’accorder sur ce que l’on veut est un préalable incontournable à toute action. Et pourtant, mettre noir sur blanc nos intentions est tout sauf une évidence. En particulier aux achats. Retour d’expérience.

Le premier constat en stratégie achats est qu’elle n’est quasiment jamais formalisée. Dans un monde chaotique, chaque turbulence semble confirmer que la prospective est illusoire ; une perte de temps. Priorité aux opérations ! Harmonisation, processus, cohérence d’ensemble sont les alibis de l’impensé. Le quotidien balaie le temps long… Se convaincre de la nécessité de se projeter, malgré cet environnement incertain, constitue déjà une bonne partie du chemin.

Le paradis

Comment ensuite définir l’objectif ? L’actualité politique nous rappelle cruellement la difficulté de concevoir un idéal commun partagé. Entre autres parce que le paradis, chacun s’en fait sa propre idée. Demandez autour de vous… Quel expert religieux se risquerait à en fournir une description précise ? La solution est typiquement un fourre-tout suffisamment vague pour que chacun s’y reconnaisse. Ainsi, après quelques tentatives infructueuses, Saint-Exupéry finit par satisfaire la requête en griffonnant une boîte : “Ça c’est la caisse. Le mouton que tu veux est dedans.”

L’enfer

Pour nos stratégies, c’est un point de départ un peu bancal. Alors, on succombe au biais de disponibilité. On se rabat sur ce qu’on ne veut pas, ce qu’on ne veut plus. L’enfer, l’ici-bas, c’est beaucoup plus concret ! Le vécu, notamment douloureux, est vivace. En résulte une construction réactive aux traumas et aux peurs. Nos feuilles de route transpirent la crainte de revivre les souffrances récentes : inflation, pénurie, non-qualité, faillite d’un fournisseur, et j’en passe. Un florilège de douleurs passées.

Mais élaborer notre avenir sur la peur, c’est risquer la paralysie. C’est laisser l’avantage aux nouveaux venus, qui ont l’audace de l’insouciance. « Que vos choix reflètent vos espoirs et non vos peurs », préconisait Nelson Mandela.

Les autres

Entre un mirage de paradis et un enfer tétanisant subsiste néanmoins un espace pour mobiliser collectivement. La recette n’est pas nouvelle, et fonctionne à coup sûr : identifier l’ennemi. Désigner l’homme à abattre est le moyen le plus efficace pour souder une société, et faire converger ses forces vives.

Pour ceux qui nous font face, les commerciaux de nos fournisseurs, c’est une évidence. Chaque affaire qui leur échappe vient doper ce cocktail de rage, de jalousie et d’envie, cette hargne du rival qui énergise leur action commerciale.

Ce n’est pas bien différent pour les acheteurs, et l’identifier libère à chaque fois des énergies spectaculaires. A la racine de toute stratégie achat efficace se niche cette obsession : acheter mieux que nos concurrents !

 
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