A partir de la visualisation des catégories d’achat dans la matrice de décision, Marcel et Nassoy proposent deux niveaux de lecture : l’acceptabilité des positions constatées d’une part, et les plans d’action pour améliorer ces positions d’autre part.
Le diagnostic aboutit à un constat pour les différentes catégories d’achat étudiées. L’acceptabilité des positions obtenues est synthétisée dans la matrice ci-contre.
- Les positions favorables ou positions-objectifs. L’idéal est d’opérer dans un marché placide, avec des achats simple ou lourds.
- Les positions acceptables. Pour les achats lourds, la complexité commerciale est parfois incontournable (ententes, monopoles ou oligopoles). Pour les achats risqués un marché placide ou technique est acceptable, sans être idéal. Pour les achats stratégiques enfin, quelles que soient les complexités de marché, la qualité de la relation fournisseur prime généralement sur les caractéristiques du marché considéré.
- Les positions inacceptables. Pour les achats simples, devoir gérer une forte complexité externe n’a pas de sens. Pour les achats lourds (absence de complexité interne autre que l’engagement financier), une complexité externe technique n’est pas acceptable. Pour les achats risqués enfin, une complexité externe commerciale est de même inacceptable.
Ce constat invite logiquement à l’action pour améliorer l’acceptabilité de la position constatée. Les actions combinent des mouvement verticaux (maîtrise de la complexité externe) et horizontaux (maîtrise des risques internes).
1) Maîtrise de la complexité externe
La logique des mouvements sur la dimension externe est une opération de segmentation. A partir de l’ensemble des fournisseurs susceptibles de satisfaire un besoin donné, l’acheteur va focaliser son action sur un “marché de référence”, sous-ensemble moins complexe techniquement et/ou commercialement. La démarche vise à réduire l’hétérogénéité et l’instabilité du contexte d’achat.
- Pour les achats simples, on cherchera par exemple à standardiser le besoin pour opérer sur un marché de référence plus homogène, ou bien à passer par un distributeur pour déléguer le traitement de la complexité externe.
- Pour les achats lourds, il peut s’agir de concentrer les achats sur des solutions et des fournisseurs “classiques” pour réduire en priorité les turbulences techniques, et si possible la complexité commerciale.
- Pour les achats risqués, ce sont en priorité les complexités commerciales que l’on cherchera à éviter, en élargissant par exemple le périmère de sourcing.
Ces actions de cadrage du marché de référence sont à la portée de tout acheteur, indépendamment de sa capacité à influer sur la structure de l’ensemble du marché, en général assez limitée et souvent illusoire.
2) Maîtrise de la complexité interne
La logique des mouvements sur la dimension interne est celle de la maîtrise des risques. L’autre dimension interne, le niveau d’engagement financier (quantités), est rarement du ressort de l’acheteur. La démarche vise donc de passer d’achats stratégiques à lourds ou d’achats risqués à simples.
Les actions proposées par Marcel et Nassoy sont les processus classiques de maîtrise des risques réductibles : formation par le fournisseur, contrôle, assurance qualité, service après-vente, couverture des risques de change, fiabilité logistique, double sourcing, etc. La réduction du risque dans ses dimensions internes implique une multitude d’acteurs bien au-delà de la fonction achats.
Il est intéressant de constater que les processus d’apprentissage, de diffusion des savoir-faire et de montée en compétence résultent en une banalisation technologique au fil du temps : en interne, avec pour effet la réduction du niveau de risque, et en externe, résultant en une amélioration de la position de marché. Bien souvent, la maîtrise de la complexité interne et la maîtrise de la complexité externe se combinent et se nourrissent l’une l’autre.
3) Et les positions favorables ?
Après avoir cerné une position de marché plus favorable et limité les risques réductibles, il reste, pour les achats lourds ou simples en marché placide, à déployer le plan d’action ultime, celui de la réduction des coûts.
Au-delà de l’approche tactique court-termiste de renégociation, ces positions appellent une gestion stratégique qui s’inscrit dans la durée. Les options stratégiques pour ces positions favorables ont une fois encore deux dimensions complémentaires : en interne, l’analyse de la valeur et la standardisation ; en externe, la périodicité de remise en cause du fournisseur, le nombre de fournisseurs et surtout l’adéquation : l’art d’être un client-cible de ses founisseurs-cibles.
Pour conclure
L’outil développé par Marcel et Nassoy en 1985 complète l’approche de Kraljic focalisée sur les achats stratégiques. En séparant les dimensions internes et externes de l’analyse et de l’action stratégique, ils offrent un schéma de pensée logique et robuste, toujours pertinent à ce jour. En se plaçant au niveau des actions pragmatiques à portée de tous les acheteurs, ils ont comblé les lacunes de l’approche initiale. A-t-on fait beaucoup mieux depuis ?