Franc suisse : la force tranquille

Avec un taux de change inférieur à 1,07 CHF/EUR, le franc fort recommence à faire parler de lui. Premières concernées, les entreprises exportatrices se plaignent.

Mais le problème n’est pas forcément où l’on croit

Quand le franc se renforce, l’attention se porte instinctivement sur les ventes. Pas sur les ventes domestiques, bien sûr, pour lesquelles rien ne change ou presque : le client suisse savoure sa chance de ne pas subir d’inflation, en payant le même prix qu’hier. Pour le vendeur, c’est une aubaine. Ne pas baisser ses prix suffit à reconstituer ses marges ni vu ni connu. Quand on pense que les prix à la consommation ont même augmenté ces dernières années ! Le jour où le franc sera à parité avec l’euro, ça commencera à se voir que la Suisse est un îlot de cherté

Alors ce sont plutôt les exportations qui posent problème. Réviser les prix à la hausse est en effet toujours délicat. Seulement ici, l’indexation est très facilement justifiable, non pas du fait de la gourmandise du vendeur, mais d’un ajustement du taux de change. Voilà une formidable occasion de tester une hausse de prix sans exaspérer le client : au mieux, ça passe; au pire on en discute.

Un levier sous-exploité aux achats

Si les conséquences se matérialisent côté vente, la racine du problème se situe en réalité une fois de plus aux achats. Pourquoi ?

A priori, il n’y a pas trop de difficulté à contenir nos dépenses locales en CHF dans un tel contexte. Quant aux achats en devises, c’est encore mieux : ils baissent sans effort. Imaginons une entreprise qui achète pour 100 m€ par an. Quand l’euro valait 1,20 CHF, il lui en coûtait 120 mCHF annuellement, soit 10 mCHF par mois. Avec un euro à 1,10 CHF, elle bénéficie déjà d’un mois gratuit !

Ce contexte en apparence favorable est sur le fond très problématique. En effet, notre pouvoir d’achat dopé est un peu trop confortable pour prendre pleinement conscience de l’urgence des efforts à produire. Les prix baissent gentiment, et on se félicite d’avoir économisé 3 % à peu de frais. L’auto-satisfaction n’est jamais très loin…

Imaginons au contraire que le franc retrouve demain le niveau (loin d’être improbable) de 1,33 CHF/EUR, soit 25 % au dessus des niveaux actuels : serions-nous prêts à payer 25 % de plus pour les produits importés ? Certainement pas ! Nous résisterions de toutes nos forces, retarderions les hausses, et nous acharnerions à les compenser en partageant l’effort commercial avec les fournisseurs.

Une occasion d’externaliser

Pour autant, les achats ne sont pas tout à fait oubliés dans l’histoire. En effet, au motif que “le franc fort nous pénalise à l’export”, les entreprises exportatrices en profitent pour annoncer des réductions d’effectifs : une aubaine pour convaincre nos salariés de la nécessité d’externaliser, de délocaliser.

Et qui sera en première ligne pour ce « make or buy » ?

 
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