Quand j’ai commencé aux achats, j’ai découvert que le métier consistait à mettre une bonne dose de rationnel dans des transactions trop humaines… Les dépenses de l’entreprise devraient désormais passer à la moulinette (bientôt informatisée) d’une analyse factuelle. Or, quelques années plus tard, si les outils sont là, les comportements irrationnels demeurent.
Être factuel ne suffit pas. Le summum de l’objectivité se rencontre probablement dans l’achat public, où l’impératif de rigueur et d’impartialité est total : l’argent public ne saurait être dépensé à la légère. Ce n’est pourtant pas parmi les achats publics que je chercherais a priori un parangon d’efficacité. Il faut dire que j’ai vendu à des acheteurs publics dans une autre vie…
Il me semble que les achats ont vocation à suivre le chemin des techniques commerciales. Il y a quelques décennies, ces dernières développaient une approche rationnelle de la vente, de la segmentation, de stratégies commerciales théorisées à loisir : équilibre de Nash, théorie des jeux, etc. Désormais, l’heure est plutôt à l’exploration empirique et systématique (à grand renfort d’intelligence artificielle) de tous les travers de la psychologie humaine afin d’en tirer parti.
Alors que nos comportements irrationnels sont de mieux en mieux connus des vendeurs, les acheteurs continuent à clamer (et à se persuader de) leur rationalité impartiale. Il est temps que les achats dépassent cette mécanique illusoire, pour mieux apprivoiser l’irrationnel : ne plus le nier, pour mieux en jouer.