Redéfinir le besoin : la règle des 10 %

Optimiser le cahier des charges est un levier puissant de performance. Simplification, standardisation, sobriété, empreinte environnementale, évacuation des surqualités ou simplement réduction des coûts : les raisons de s’y attaquer ne manquent pas. Mais jusqu’où pousser l’exercice ? Comment savoir en pratique si l’on en fait trop ou pas assez ?

Pour Antoine de Saint-Exupéry, “la perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer.” D’accord, mais concrètement ?

Sur le terrain, nos louables intentions ne manqueront pas d’être douchées par le client interne, dont la confiance n’est pas acquise d’office. Prétendre à retoucher les spécifications nécessite avant tout de lever les griefs et les doutes qu’il exprime (ou insinue) à notre égard :

  • Notre penchant à sacrifier la qualité sous prétexte du prix.
  • L’érosion insidieuse de son budget. Son pouvoir (et son ego) ne se mesure-t-il pas à sa capacité à dépenser ?
  • Notre légitimité technique : “il n’y comprend rien, le poôovre”. Autant le reconnaître d’emblée, c’est généralement lui le sachant. Savoir lui laisser le rôle d’expert n’exclut cependant pas de s’approprier des clés de compréhension et de le pousser dans ses retranchements. Une collaboration à clarifier, donc.

A cela s’ajoute l’obstacle de nos certitudes. Ainsi, cette mine canadienne avait écarté a priori l’idée d’électrifier ses machines, le fioul étant sans conteste (et de loin !) l’énergie la moins chère. Elle s’est finalement ravisée : elle consommait tellement d’électricité à ventiler les galeries pour y faire fonctionner les moteurs thermiques, qu’au final, sa facture électrique a baissé lors de l’électrification du matériel d’extraction !

Pousser le bouchon un cran trop loin

Reste enfin à vaincre notre frilosité et se donner les moyens pour aller au fond de la démarche. Pour cela, trois pistes pratiques :

  • Premièrement, remonter jusqu’à la personne physique à l’origine du besoin. Plus les organisations sont grandes, plus l’origine de la demande peut se perdre derrière l’écran de fumée du collectif. Identifier l’individu demandeur permet d’évacuer la distortion des interprétations successives. Non seulement la suite du processus achats sera plus pertinente, mais c’est à la racine que l’on identifie le mieux les opportunités.
  • Deuxièmement, s’opposer par principe à la reconduite à l’identique d’une dépense passée. Redéfinir le besoin ab initio permet d’échapper au piège de l’habitude, c’est le fondement du budget base zéro, où le demandeur doit systématiquement justifier ses prétentions !
  • Troisièmement et surtout, ne pas craindre de dépasser la limite du raisonnable. Selon Elon Musk, tant que l’on ne revient pas en arrière de 10 % après avoir élagué, c’est que l’on a été trop timide. Il est bon de se rappeler qu’aux achats, tout ou presque est réversible.

Si la perte d’un client ou le départ d’un collaborateur clé sont généralement définitifs et traumatisants, que risque-t-on à tailler sans ménagement dans nos dépenses ? A pousser le bouchon un cran trop loin ? De devoir recoller les morceaux ? Dans le pire des cas, il sera toujours temps de changer d’acheteur…

 
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