Make chocolate Swiss again !

L’alternance politique américaine a installé un nouveau vocabulaire, remettant le concept de guerre économique au goût du jour.

Si le chaos qu’elle provoque jour après jour nécessite de s’adapter et de repenser nos stratégies d’approvisionnement, nous ne sommes pas pour autant condamnés à embrasser cette lecture des dynamiques économiques mondiales.

La guerre économique : un point de vue de vendeurs

Bien malin qui peut prédire où mèneront les coups de pied américains à répétition dans la fourmilière du commerce international. La logique protectionniste de taxer les importations dans l’espoir de réduire le déficit du commerce extérieur va à rebours de décennies de partage mondial du travail, dont l’efficacité théorisée successivement par Adam Smith puis David Ricardo a fait ses preuves.

Nous le savons que trop bien : les succès commerciaux se matérialisent dans les mains des vendeurs, mais prennent racine dans la performance achats. Et l’industrie américaine ne manque pas de le rappeler : produire localement coûte cher, et renchérir les importations péjore sa compétitivité. Comment se battre sur le ring mondial avec un tel boulet aux pieds ?

Ce revirement, est-ce une conviction sincère ou un simple chiffon rouge pour éreinter l’adversaire ? L’avenir le dira. En attendant, cette lecture antagoniste des relations commerciales se focalise sur les rivalités entre vendeurs. Le “win-win” fait place au “win-lose”. Gare au “lose-lose”…

Souveraineté et approvisionnement stratégique à contretemps

L’obsession d’un rapport de force favorable se combine avec la peur du déclassement : l’Amérique sent sa domination menacée. Loin de se réjouir du développement économique qui profite au plus grand nombre, l’industrie américaine imagine de se mettre à l’abri en développant ses propres capacités de matières premières. A contretemps ?

Ainsi, le bras de fer engagé par les USA avec la Chine a mis en lumière sa dépendance aux terres (pas si) rares. Pour y remédier, le Pentagone vient de booster la mine californienne de Mountain Pass. Pour qu’elle triple sa production de néodyme, il garantit pendant 10 ans un prix double du cours mondial actuel. Le prix de la liberté ? Pourtant, il n’est pourtant pas exclu que les cours continuent à baisser, par un surplus d’offre grâce au recyclage ou une baisse de la demande suite à l’émergence de moteurs sans aimants permanents par exemple.

Ce n’est pas sans rappeler le cas du lithium. Par peur de manquer, Tesla a sécurisé à l’automne 2020 les droits d’exploiter une mine de lithium au Nevada. L’entreprise a certes bien anticipé la hausse des prix du lithium, qui ont décuplé fin 2022. Ils sont depuis retombés à leur niveau historique, et la production au Nevada n’a pas encore commencé…

Le cas du cacao pour le chocolat suisse

A la suite de plusieurs années de conditions climatiques compliquées, l’offre de cacao a baissé, et les prix ont quintuplé, passant d’une base historique de l’ordre de 2.500 $/t à près de 13.000 $/t fin 2024 (ils sont depuis retombés à moins de 7.500 $/t). Pour autant, qui penserait développer une production locale en Suisse ?

Si certains pourraient néanmoins imaginer tenter l’expérience, ajoutant qualité et performance RSE à une sécurisation de l’approvisionnement, le climat ne s’y prête pas vraiment (pour l’instant) et les coûts de production y seraient probablement prohibitifs. La solution est bien sûr dans les mains de nos fournisseurs par l’innovation technologique (techniques agronomiques, sélection des variétés, etc.).

Une autarcie illusoire

Au nom de la souveraineté économique, le discours ambiant outre-Atlantique distille un fantasme d’autarcie illusoire et contre-productive. Mais nous ne sommes pas condamnés à suivre la même voie. Plus que jamais, les économies sont interdépendantes, et l’avenir appartient à ceux qui savent en jouer.

 
Ce contenu a été publié dans Approvisionnement, Délocalisation, Irrationel, Libéralisme, Libre échange, Matières premières, Relocalisation, Risk management, Sourcing, Stratégie, Suisse. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire