« Papa, on revient quand à la maison en Suisse ? »
Cette anodine question enfantine eût un effet spectaculaire : notre chauffeur de taxi, se révélant subitement enjoué et affable, jugea opportun d’improviser un itinéraire fantaisiste. Inutile de vous dire que nous avons bénéficié d’un tarif « très spécial »…
Pour l’acheteur, être perçu comme riche n’est pas un cadeau. Réelle ou fantasmée, l’image mentale à laquelle le vendeur nous associe s’impose inévitablement.
Avant même que nous puissions ouvrir la bouche, notre métier (pharmacie, horlogerie), notre maison ou simplement notre origine (Suisse, Qatari) signe notre pouvoir d’achat et fait briller les yeux du vendeur qui nous courtise. Son métier consiste précisément à segmenter sa clientèle pour maximiser ses revenus : faire le prix à la tête du client. Mais à qui la faute, s’il nous prend pour un Américain ?
Comme l’animal terrorisé qui attire l’attention du prédateur, la victime plus ou moins consentante porte sa part de responsabilité. L’auto-persuasion fait des ravages : « Normal : la qualité a un prix ». « Au final, on en a toujours pour son argent ». « Entre le prix et la qualité, il faut savoir choisir pour éviter les économies qui coûtent cher »… Quel commercial détromperait ceux qui se rassurent ainsi ?
Vous connaissez aussi de ces gens fortunés qui obtiennent toujours d’insolentes conditions préférentielles. Leur prospérité devrait les obliger, et pourtant ils ne lâchent rien. Parfois même, leur réputation les précède, et le vendeur n’ose même pas.
On a les vendeurs que l’on mérite !
Chronique parue dans La revue de l’acheteur N°419 – 11/2015