Parce qu’elles ont bien conscience qu’innover ne peut plus se limiter à cultiver leur jardin secret, les entreprises comptent de plus en plus sur leurs fournisseurs pour se réinventer. Incontournable.
La belle histoire que racontent volontiers les acheteurs, c’est la fable de la « petite » start-up géniale mais sans moyens, révélée et sublimée par la générosité visionnaire de son client, partenaire stratégique qui lui ouvre un monde de débouchés. L’acheteur chevalier blanc : quel panache ! Ca existe, bien sûr, mais quand les fournisseurs témoignent de l’envers du décor, ce n’est pas toujours très reluisant.
Les prédateurs
Il y a d’abord les acheteurs prédateurs qui n’hésitent pas à prendre avantage d’innovateurs vulnérables :
– Les sans-scrupules qui pillent sans vergogne la propriété intellectuelle, à l’instar de ce service RH qui consulte “à blanc” depuis des années sans jamais passer commande, simplement pour alimenter et fertiliser ses programmes internes de formation avec la créativité de soumissionnnaires un peu trop naïfs.
– Les trouillards qui achètent pour mieux tuer dans l’oeuf l’innovation qui menace leur vache à lait. Comment ne pas penser au secteur bancaire qui surveille la Fintech comme le lait sur le feu ? Et jusqu’où peut-on compter sur nos autorités de la concurrence pour border ces pratiques d’acquisitions castratrices ?
– Les arrogants qui achètent l’exclusivité les yeux fermés, sans regarder à la dépense. Combien d’innovateurs sont en mesure, comme CureVac en mars 2020, de refuser le milliard de l’Amérique de Trump pour l’exclusivité de ses pistes prometteuses de vaccin ?
Les clients rentables
Il y a ensuite fort heureusement quelques acheteurs rentables :
– Ceux qui n’ont d’autre choix que de payer le prix. Des clients bienvenus, mais dont la contribution est rarement à la hauteur de toutes ces années de tâtonnement et de développement. Qui a pris tous les risques ?
– Ceux qui ne savent plus innover, à qui il ne reste plus que l’innovation du marché pour se renouveler. Des clients lucratifs, certes, mais pour combien de temps encore ? L’innovation palliative, ça sent la phase terminale…
Quand le jeu se renverse
Alors certains innovateurs font le pari de ne plus s’embarrasser de ces acheteurs d’innovation. Leur propre innovation devient un centre de gravité qui aggrège l’excellence de ceux qui hier encore étaient leurs clients. Ainsi, plutôt que de la proposer au plus offrant, Tesla et plus récemment BYD ont su renverser le jeu pour habiller leur innovation d’une carrosserie, ringardisant au passage la chaîne de valeur historique. Comme le soulignait Klaus Schwab, «dans le nouveau monde, ce n’est pas le gros poisson qui mange le petit, c’est le plus rapide qui mange le plus lent.»
Et c’est comme ça qu’innover avec ses fournisseurs prend tout son sens : en donnant l’exemple !