Nos financiers et autre comptables sont friands d’outils de couverture des risques de change ou de prix d’achats. Transférer l’aléa à un tiers pour gérer l’incertitude est tellement confortable. Trop ! Bien souvent, ces assurances n’ont d’autre raison d’être que de garantir le respect d’un budget. Paradis artificiel…
Plus grave encore, une fois mutualisée voire titrisée, la réalité concrète de ces risques s’éloigne et se dissout dans l’abstraction. Revenons au réel !
Premièrement, ces risques de marché ne seront jamais durablement évités : un jour, la couverture prend fin, et la réalité nous rattrape. Si le choc émotionnel d’une variation brutale aura pu être amorti, il faudra bien in fine nous adapter. Alors, ne vaut-il pas mieux être confrontés tôt, et forcés à réagir vite ? Laissons nos concurrents anesthésiés se bercer d’illusions en se croyant protégés !
Ensuite, le risque est grand de se couvrir inutilement ou, pire, à contretemps. Comme cet acheteur qui se vantait l’an dernier d’avoir sécurisé à long terme son approvisionnement de pétrole à 95 $ le baril…
Quant aux risques de change, nous sommes les premiers à pouvoir les réduire en tout ou partie par le choix de la monnaie dans laquelle nous contractualisons. Sans compter que la volatilité des taux de change peut s’avérer une alliée précieuse pour faire baisser les prix : chaque variation est une occasion de renégocier.
Ces couvertures me font penser aux abris anti-atomiques en Suisse : un coûteux héritage, une habitude irrationnelle entretenue par la peur, justifiée par de lointains souvenirs traumatisants. Les remettre en cause demande un certain courage politique.
Chronique parue dans La revue de l’acheteur N°418 – 10/2015