America first

Scandaleux ! Stocks de masques, exclusivité sur les recherches de nouveaux vaccins : les USA multiplient les tentatives pour être servis les premiers, à grand renforts de milliards de dollars s’il le faut. Cet égoïsme décomplexé est évidemment choquant lorsque des vies humaines sont en jeu. Pourtant, être mieux servi que les autres, c’est bien la mission d’un acheteur. Jusqu’où peut-on alors moralement revendiquer la priorité et justifier de passer avant tout le monde ?

Certains ne s’embarrassent pas  : la certitude d’être bien nés (le suprémacisme sous toutes ses formes) leur suffit pour légitimer la spoliation ou l’exploitation. Cette forme ultime de l’arrogance, c’est-à-dire au sens propre la certitude que tout m’est dû, sans contrepartie, est profondément révoltante.

En revanche, il est tout à fait légitime et même nécessaire d’entretenir un appétit insatiable pour la qualité et l’innovation, tout en cultivant une exigence intraitable d’efficacité économique. C’est l’aiguillon du progrès. Entre ces deux extrêmes s’étend une zone grise parfois glissante : notre terrain de jeu, complexe.

Faire passer mon besoin avant celui du concurrent, c’est accepter (et même souhaiter) qu’il se contentera des miettes que je lui laisserai. Il paiera plus cher, recevra du second choix, patientera plus longtemps, fermera les yeux sur l’esclavage, ruinera l’environnement, etc. Survient alors le doute : à quoi bon être vertueux si les autres anihilent mes efforts ? Pourtant, si je désire être mieux servi que la moyenne, je dois bien accepter que d’autres tirent la moyenne vers le bas…

A contrario, lorsque mon concurrent obtient mieux que moi, la jalousie ne me laisse pas de repos. Si le jeu de la concurrence est précisément celui de courrir ensemble, il en faudra toujours un pour faire la course en tête. Dans cette perspective, il n’y a plus à hésiter à être ce lièvre et à prendre quelques longueurs d’avance.

Mais pas n’importe comment… Mener la course implique une responsabilité morale : celle de tirer le peloton dans la bonne direction. Les choix du meneur d’allure constituent un référentiel qui s’impose aux suiveurs. Imaginons un instant que l’épicentre de l’actuelle pandémie eût été Rio de Janeiro, ou bien encore une bourgade du Sahel. La réaction initiale face au virus aurait défini un archétype de réponse probablement plus latin, ou sensiblement plus fataliste. Le reste du monde aurait-il alors osé (ou même pensé) prendre des mesures aussi totalitaires ?

Etre mieux servi que les autres est non seulement acceptable moralement, c’est aussi et surtout une condition nécessaire à la pérennité de nos entreprises. Cela implique également d’assumer de tracer la route. A chacun de choisir quelle voie il entend ouvrir !

 
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