Dès que l’on associe “achats” et “responsables”, il se crée une sorte de dissonance. Un voile de suspicion vient ternir la démarche, qu’elle soit sincère ou non. Même les efforts les plus vertueux n’échappent pas à cet impérissable soupçon d’hypocrisie. Et c’est extrêmement frustrant !
En matière de responsabilité, ce que nous entreprenons est par nature imparfait. Quand bien même nous aurions toute latitude dans notre action, un achat ne sera jamais 100 % responsable. Plus encore, ce qui nous semble exemplaire aujourd’hui pourra paraître très partiel et timoré aux générations futures.
Artisan de la mise en scène…
C’est une première source de frustration : la performance ne peut être que relative. Par conséquent, la dynamique prime sur le résultat. L’art de présenter les faits de manière avantageuse sera déterminant. Il paraît que les acheteurs ont des talents de maquillage reconnus… Mais ce n’est pas sans un certain malaise que l’on se retrouve l’artisan de cette mise en scène (et des écrans de fumée pour masquer les insuffisances).
A cela s’ajoute la frustration de réaliser que la route est longue, et le résultat bien dérisoire au regard de l’engagement absolu que mériterait notre monde. Comment ne pas sombrer dans l’amertume quand tant reste à faire ? Et de regretter, à l’instar d’Angela Merkel au crépuscule de son action politique, de ne pas avoir pu faire assez pour la planète.
Plus encore, quels que soient nos efforts, la critique est facile. Revendiquer le moindre progrès attire les jaloux, prompts à pointer la paille dans l’œil du voisin.
…d’une démarche intéressée.
Enfin, quoi de plus frustrant de constater que, pour l’entreprise, satisfaire le critère de la responsabilité est une démarche nécessairement intéressée. Les motivations et le niveau d’attente peuvent bien sûr varier (exigence réglementaire, valeur commerciale, concurrence, image de marque, engagement des équipes ou des investisseurs), mais l’action demeure rationnelle et égoïste. Et c’est normal ! Le pragmatisme impose de faire des compromis. En faire trop ou pas assez se paierait cher.
Acceptons-le !
Alors oui, acceptons-le : acheter responsable est très frustrant. Acceptons-le, pour ne pas céder au cynisme ou à un fatalisme désabusé. Car, même imparfaite, la cause mérite notre contribution. Par leur instincts et leurs réflexes, les acheteurs sont taillés pour mener l’action vers une plus grande responsabilité. Qui d’autre qu’un acheteur pour encourager l’entreprise à la sobriété ? Pour mener la chasse aux gaspillages ? Pour révéler le potentiel d’une relation respectueuse ? Pour mettre en évidence le coût complet d’un achat irresponsable ?
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